Source : https://pixabay.com/fr/illustrations/bulletin-d-information-les-mains-2123481/

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Une lutte constante contre la désinformation.

La France a toujours lutté contre la désinformation, notamment grâce à la règlementation. On peut citer l’article 37 de la loi de 1881 qui dispose que si une atteinte à la paix publique aurait pu être causée ou a été causée par une fausse information, la sanction est une amende de 45 000 euros. Il existe aussi l’article L97 du Code électoral qui ferait encourir un an de prison et 15 000 euros d’amende à ceux qui aurait manipulé l’information pour influencer des votes. Une évolution de la règlementation est toutefois nécessaire car la désinformation se développe plus facilement avec les réseaux sociaux. Son impact peut être considérable en raison de la cible très large des réseaux sociaux. En ce sens, la loi du 22 décembre 2018 pour la lutte contre les fausses informations offre la possibilité à « un candidat ou un parti à saisir le juge des référés pour demander de faire cesser la diffusion de fausses informations ». Le juge aura 48 heures pour définir s’il s’agit de fausses informations. Une plus grande transparence est imposée aux réseaux sociaux avec l’obligation d’indiquer le nom de ceux qui ont demandé à diffuser des messages sponsorisés et le montant de la somme versée à partir du moment où celle-ci est supérieure à cent euros hors taxe.

Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) pourra aider les plateformes, dont le nombre de visiteurs uniques dépasse les 5 millions en un mois, à « la mise en place d'un dispositif de signalement accessible et visible », « la transparence des algorithmes », « la promotion des contenus issus d'entreprises et d'agences de presse et de services de communication audiovisuelle », « la lutte contre les comptes propageant massivement de fausses informations ». De plus, une déclaration sera communiquée chaque année par les plateformes pour expliquer le déroulé de l’application des mesures. Celles-ci devront également « désigner un représentant légal exerçant les fonctions d'interlocuteur référent en France pour l'application de ces dispositions. ».

Le droit d’informer et d’être informé : des droits indissociables de la liberté de la presse.

L’encadrement juridique témoigne d’une liberté de la presse qui trouve ses fondements dans les indissociables droits d’informer et droit d’être informé. L’indépendance des producteurs d’information se présente comme étant l’une des conditions à remplir afin de veiller au respect de ces derniers. La publication d’un message sur l’Internet constitue un mode de communication particulier. Les principes posés en termes de liberté de la presse écrite doivent en effet être adaptés aux caractéristiques techniques spécifiques.

Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse. La décision rendue le 11 octobre 1984 rappelle l’importance de la transparence financière en termes d’effectivité de la liberté de la presse. A titre illustratif, cela permettrait au lecteur de connaitre les conditions du financement des journaux. En 2012, le Conseil constitutionnel affirme à nouveau sa volonté de protéger la liberté de la presse, faisant depuis l’objet d’une tradition française. Le renforcement de la liberté de la presse et le droit à l'information pertinente en langue française restent d'actualité comme en témoigne la cinquième édition du « Prix francophone de l'innovation dans les médias » mise en place par l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). Le lien entre la liberté de la presse et l’Internet est établi à travers un acte de publication qui devient ainsi continu. Plus précisément, la particularité de la publication sur l’Internet résulte de la volonté renouvelée de l’émetteur en plaçant tout d’abord le message sur un site et en choisissant ensuite de l’y maintenir ou de l’en retirer. Les adresses des sites faisant de plus en plus souvent l’objet des modifications, il convient de constater la volonté de la part de l’émetteur d’une nouvelle mise à disposition du public.

La difficile répression du manque de fiabilité des informations sur un web « dynamique ».

Le contexte actuel est celui d'un développement des technologies, d’un web « dynamique » par l’intermédiaire réseaux sociaux, de la démocratisation des blogs, des journaux citoyens, des tags et des forums où chacun peut partager son opinion et « devenir en quelque sorte journaliste-amateur » selon Perla Cohen. Peu d'informations publiées sont certifiées par des sources officielles et l'arsenal administratif répressif est contournable sans trop de difficultés grâce à l'utilisation de techniques d’anonymisation (telles que les Virtual Private Networks ou le navigateur Tor). En résulte une augmentation massive du contentieux du droit de la presse, suite aux effets démultiplicateurs de l'Internet qui néanmoins ne se caractérise pas par une évolution significative des condamnations pénales. La responsabilité en cascade sur l’Internet se révèle inopérante par l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1881. Le régime de responsabilité prévoit une mise en cause du directeur de publication, suivie de l'auteur puis du producteur, puis, la désignation d'un directeur de publication est en principe obligatoire pour des contenus publiés par des professionnels comme par des non-professionnels qui restent quant à eux difficiles à identifier et ne permettent pas d'obtenir véritablement une réparation du préjudice causé.

De plus, concernant le droit d'opposition, les éditeurs de bases de données de jurisprudence sont tenus d’anonymiser les décisions de justice qu’ils publient en ligne, conformément à la délibération du 29 novembre 2001 de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL), néanmoins les sites n'étant pas assimilés à des bases de données ils ne sont pas tenus à cette obligation pour ne pas porter une atteinte excessive à la liberté de la presse (Civ., 1ère, 12 mai 2016, n°14-24.698). Il paraît donc difficile d’obtenir d’un organe de presse le référencement d’un article relatant de manière objective une décision de justice et il serait préférable « d’agir directement auprès de Google pour obtenir le déréférencement d’un article de presse litigieux ». En réponse, Jean-Marc Sauvé a préconisé l'utilisation de la « soft law » (droit souple) lors de la conférence sur la « liberté d'expression en ligne » du 28 avril 2017. Pour lui, les dispositifs normatifs traditionnels en la matière sont rapidement « obsolescents », ce qui justifie que les non professionnels lançant les alertes, sont tenus en théorie d’agir « avec la vigilance et la modération nécessaire » comparable dans une moindre mesure à la « déontologie journalistique » grâce à des lignes directrices ou codes de bonnes conduites qu'ils s'imposent pour favoriser le sérieux de leurs informations.

La protection européenne de la liberté d’informer.

Le contentieux autour de la liberté d’informer et du droit à l’information pertinente s’est largement européanisé. En effet, plusieurs jurisprudences récentes ont démontré la grande vigilance de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) à propos de ces questions. Ce contentieux se fonde sur l’application et l’interprétation de l’article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (CESDH) relatif à la liberté d’expression. Cet article dispose dans son premier alinéa que : « toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière ». Nous voyons donc ici une conception large de la notion de liberté d’expression, celle-ci devant être protégée de l’action des pouvoirs publics. Le second alinéa de cet article apporte cependant de nombreux tempéraments en précisant que l’exercice de la liberté d’expression, et donc de la liberté d’information, « peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique (…) ». La jurisprudence de la CEDH se trouve donc traversée par un double mouvement, d’abord la responsabilité des journalistes, qui ne disposent pas d’une liberté absolue, et ensuite la protection des journalistes face aux pouvoirs publics, notamment à la police et à la justice.

Dans un arrêt daté du 6 mai 2010, la CEDH relève que « la presse joue un rôle éminent dans une société démocratique » (CEDH, 6 mai 2010, Brunet Lecomte et Lyon Mag c/ France, req. no 17265/05) mais elle précise que la presse doit respecter deux limites qui sont le respect de la réputation et des droits d’autrui, et la non-divulgation d’informations confidentielles. La Cour se place ici en défenseur de la liberté d’expression et de la liberté d’informer tout en rappelant les cadres dans lesquels ces libertés s’exercent. Toutefois, pour la CEDH, la protection de la liberté d’informer ne se limite pas au rappel de grands principes. Celle-ci n’hésite pas à aller beaucoup plus loin en sanctionnant des États car elle considère que ces derniers se doivent de respecter la liberté de la presse. Ainsi, la Cour a considéré que les journalistes n’avaient pas à révéler leurs sources, même après la sommation d’un procureur de révéler l’identité d’un informateur (CEDH, 27 mars 1996, Goodwin c/ Royaume-Uni, req. no 17488/90). De même, la simple menace de procéder à des perquisitions si le journaliste ne révélait pas les informations demandées par le procureur constitue une violation de la liberté d’expression au sens de l’article 10 de la Convention (CEDH, gr. ch., 14 sept. 2010, SanomaUitgevers B.V. c/ Pays-Bas, req. no 38224/03). Lorsque la police réalise une perquisition chez un journaliste, celle-ci doit préserver « la balance des intérêts en présence, à savoir la protection des sources, d'une part, et la prévention et la répression des infractions, d'autre part » (CEDH, 4e sect., 25 févr. 2003, Roemen c/ Luxembourg, req. no 51772/99).

L’apparition des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) a révolutionné la liberté d’expression et d’information. La jurisprudence de la CEDH s’est adaptée en conséquence, comme le montre un arrêt de 2011 (CEDH, 5 mai 2011, Comité de rédaction de PravoyeDelo et Shtekel c/ Ukraine, req. n° 33014/05) dans lequel la Cour a sanctionné l’Ukraine qui avait condamné un journal pour diffamation au motif que les journalistes avaient publié une lettre anonyme trouvée sur l’Internet et qui portait de graves accusations sur certaines personnalités publiques. L’équipe de rédaction avait pourtant bien précisé dans l’article l’origine de la source et indiqué que les informations révélées étaient invérifiables. Les tribunaux ukrainiens ont condamné le journal à verser des dommages et intérêts et à publier un démenti, mais ont aussi condamné un des journalistes à publier une lettre d’excuses, ce qui constituait une sanction inédite et qui n’était prévue par aucun texte. La CEDH a considéré que ces sanctions constituaient une violation de l’article 10 de la Convention. Nous pouvons constater ici que la CEDH est très présente dans le contentieux relatif à la liberté d’informer et qu’elle adopte à l’égard de ceux qui font l’information une attitude très protectrice fondée sur une lecture souple de l’article 10 de la CESDH.

Auteurs : BRESSON Charles ; PARASCHIV Diana ; PONS Camille ; VALLS Laurie.

BIBLIOGRAPHIE :

Normes juridiques.

  • Article L97, Code électoral.
  • Articles 27 et 93-3, Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
  • Loi n°84-937 du 23 octobre 1984 visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse.
  • Loi n°2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information.
  • Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme.

Jurisprudence.

Décision de la Cour de cassation.

  • Civ., 1ère, 12 mai 2016, n°14-24.698.

Décisions du Conseil constitutionnel.

  • Décision n° 84-181 DC du 11 octobre 1984, Loi visant à limiter la concentration et à assurer la transparence financière et le pluralisme des entreprises de presse.
  • Décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, Loi de finances rectificative pour 2000.
  • Décision n° 2012-647 DC du 28 février 2012, Loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi.

Décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH).

  • CEDH 27 mars 1996, Goodwin c/ Royaume-Uni, req. no17488/90.
  • CEDH, 4e sect., 25 févr. 2003, Roemen c/ Luxembourg, req. no51772/99.
  • CEDH, 6 mai 2010, Brunet Lecomte et Lyon Mag c/ France, req. no17265/05.
  • CEDH, gr. ch., 14 sept. 2010, SanomaUitgevers B.V. c/ Pays-Bas, req. no38224/03.
  • CEDH, 5 mai 2011, Comité de rédaction de PravoyeDelo et Shtekel c/ Ukraine, req. n°33014/05.

Institutions et rapports officiels.

  • MINISTERE DE LA CULTURE, « Les enjeux de la loi contre la manipulation de l’information », Actualités, 8 novembre 2018 [en ligne] https://www.culture.gouv.fr/Actualites/Les-enjeux-de-la-loi-contre-la-manipulation-de-l-information (consulté le 8 mars 2020).
  • CONSEIL D'ETAT, « La liberté d'expression à l'âge d'internet » (par Jean-Marc SAUVE), In Discours et Interventions, 28 avril 2017 [en ligne] https://www.conseil-etat.fr/actualites/discours-et-interventions/la-liberte-d-expression-a-l-age-d-internet (consulté le 9 mars 2020).
  • CNIL, Délibération n°01-057 du 29 novembre 2001, Délibération portant recommandation sur la diffusion de données personnelles sur internet par les banques de données de jurisprudence [en ligne] https://www.google.com/search?ei=CKhoXruAHNyHjLsPgb2y6AQ&q=cnil+d%C3%A9lib%C3%A9ration+du+29+novembre+2001&oq=cnil+d%C3%A9lib%C3%A9ration+du+29+novembre+2001&gs_l=psy-ab.3...2491.3046..3274...0.0..1.348.1038.4j1j1j1......0....1..gws-wiz.Fjj4TD45rq0&ved=0ahUKEwi7pOzvhpLoAhXcA2MBHYGeDE0Q4dUDCAs&uact=5 (consulté le 11 mars 2020).
  • SENAT, « L'équilibre de la loi du 29 juillet 1881 à l'épreuve d'Internet » (par Thani MOHAMED SOILIHI et François PILLET), In Travaux parlementaires : Rapport d'information, 6 juillet 2016 [en ligne] http://www.senat.fr/rap/r15-767/r15-767_mono.html (consulté le 9 mars 2020).
  • VIE PUBLIQUE, « Fausses nouvelles, manipulation de l’information : comment lutter contre les "fake news" ? », Eclairage, 4 juin 2019 [en ligne] https://www.vie-publique.fr/eclairage/24108-fausses-nouvelles-manipulation-comment-lutter-contre-les-fake-news (consulté le 7 mars 2020).

Articles de revues.

  • BUISSON Jacques, « Preuve – Moyens de preuve », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, octobre 2013 (actualisation : octobre 2019).
  • DE LAMY Bertrand, « La Constitution et la liberté de la presse », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n°36, 2012/3, pp. 19-29.
  • MALER Henri, « Le droit à l'information, ses conditions et ses conséquences », Savoir/Agir, n°30, 2014/4, pp. 113-119.
  • PIERRAT Emmanuel, « Les infractions de presse sur l'internet », LEGICOM, n°21-22, 2000/1, pp. 71-78.

Articles de presse.

  • BERROD Nicolas, « Ce que prévoit la nouvelle loi anti-fake news », Le Parisien, Politique, 27 décembre 2018 [en ligne], http://www.leparisien.fr/politique/ce-que-prevoit-la-nouvelle-loi-anti-fake-news-27-12-2018-7976979.php, (consulté le 8 mars 2020).
  • BERTIN Camille et VARET Vincent, « Quand le droit à l'oubli numérique se heurte à la liberté de la presse », JDN, juin 2016 [en ligne] https://www.journaldunet.com/economie/transport/1180460-quand-le-droit-a-l-oubli-numerique-se-heurte-a-la-liberte-de-la-presse/ (consulté le 9 mars 2020).
  • COHEN Perla, « Fiabilité de l'information 2.0. », JDN, mars 2014 [en ligne] https://www.journaldunet.com/ebusiness/publicite/1135815-fiabilite-de-l-information-2-0/ (consulté le 9 mars 2020).
  • JUBLIN Matthieu, « "FAKE NEWS !" (1/5) - Loi contre la "manipulation de l’information" : un combat perdu d’avance ? », LCI, 5 avril 2019 [en ligne] https://www.lci.fr/population/fake-news-1-5-loi-contre-la-manipulation-de-l-information-un-combat-perdu-d-avance-2117268.html (consulté le 8 mars 2020).
  • LA CORRESPONDANCE DE LA PRESSE, « Prix francophone de l'innovation médias : L'Organisation... », 4 mars 2020 [en ligne] https://nouveau-europresse-com.ezpum.biu-montpellier.fr/Document/View?viewEvent=1&docRefId=0&docName=news%C2%B720200304%C2%B7SGC%C2%B7qp20200304a028_1&docIndex=1(consulté le 8 mars 2020).
  • LE FIGARO, « Loi anti-fake news: le CSA détaille ses recommandations », 25 avril 2019 [en ligne] https://www.lefigaro.fr/flash-eco/loi-anti-fake-news-le-csa-detaille-ses-recommandations-20190425, (consulté le 8 mars 2020).
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