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« Je souhaite que le droit de pétition soit revu afin que l’expression directe de nos concitoyens soit mieux prise en compte et que les propositions des français puissent être présentées dans un cadre défini et construit à la représentation nationale ». Telles étaient les paroles d’Emmanuel Macron il y a trois ans sur le droit de pétition.

Les droits des citoyens ont toujours été au cœur des réflexions qui ont participé à la fondation de notre société contemporaine. Ainsi, l’esprit des rédacteurs des textes régissant une société va dans le sens d’une organisation de la communauté dans le but d’empêcher toute dérive mais aussi dans le sens de la protection des intérêts individuels. A cet effet, en France par exemple, les individus jouissent de plusieurs droits tels que les droits civils et politiques qui sont une classe de droits qui protègent les libertés individuelles des individus contre les atteintes portées par les gouvernements, des organisations sociales et des particuliers et qui garantissent à chacun la possibilité de participer à la vie civile et politique de la société et de l’État sans être discriminé ni réprimé. Parmi ces droits figure le droit de pétition qui est un droit politique du citoyen contemporain conférant à ce dernier la possibilité de participer au gouvernement de la « cité ». De manière générale, les pétitions sont dirigées « contre » le souverain mais il est également possible d’initier une pétition envers toute autre personne morale disposant d'un pouvoir. Ainsi, en fonction de l’objet de la demande, une pétition peut être dirigée à l’encontre d’une décision émanant d’une collectivité territoriale, d’une décision de l’exécutif et au niveau européen à l’encontre d’une disposition du parlement européen par exemple.

Historiquement, l’Angleterre demeure l’un des pays précurseurs du droit de pétition. En effet, la Pétition des Droits (ou Petition of Right) fut rédigée par le Parlement d'Angleterre en mai 1628 afin de mettre fin aux abus du pouvoir royal. Celle-ci a été votée par le Parlement en mai 1628 et approuvée par le roi Charles Ier en juin de la même année. Cette pétition confirme le principe du vote exclusif des impôts par le Parlement, l'abolition de la loi martiale en temps de paix et le droit des détenus à mettre en cause la légalité de leur incarcération, en vertu du décret d’habeas corpus. Ce dispositif illustre de manière indéniable l’impact que peut avoir une pétition. En France, le point de départ du droit de pétition fut la Révolution Française et selon Maxillien de Robespierre, dans un discours prononcé le 11 mai 1971, le droit de pétition est un « droit imprescriptible de tout homme en société. Les Français en jouissaient avant que vous fussiez assemblés ; les despotes les plus absolus n’ont jamais contesté formellement ce droit à ceux qu’ils appelaient leurs sujets. Plus un homme est faible et malheureux, plus il a le droit de pétition… ; c’est le droit imprescriptible de tout être intelligent et sensible ». 

D’un point de vue formel, une pétition se présente le plus souvent comme un ensemble de signatures au bas d'un texte, qui étaient traditionnellement recueillies dans la rue par des volontaires. Cependant, depuis des décennies déjà on assiste à un bouleversement formel de l’exercice de ce droit du fait de l’évolution technologique et du développement d’internet.  En effet, l’avènement d’internet ayant contribué au changement des habitudes humaines et sociales, il donne également un autre visage à l’exercice du droit de pétition. Ainsi, il convient de revenir sur les aspects techniques et juridiques de ce droit avant de s’attarder sur les nouvelles configurations d’un droit révolutionné par internet.

La mise en œuvre du droit de pétition au niveau interne.

En France, le droit de pétition peut être exercé par tout citoyen ou collectif de citoyens. Ces derniers peuvent adresser une pétition aux collectivités territoriales, à chacune des chambres du Parlement (Assemblée nationale et Sénat), au Conseil économique, social et environnemental. Depuis la Révolution française, il est possible d’adresser une pétition à l’Assemblée nationale. Jadis, elles ne pouvaient être adressées qu’au format papier et envoyées à la Commission des lois. Les pétitions reçues par l’Assemblée nationale sont soit classées, ou adressées à un ministre pour qu’il y réponde. Elles donnent ainsi lieu à l’établissement d’un rapport. En ce qui concerne la mise en œuvre du droit de pétition en ligne, il est à souligner que l’Assemblée nationale a ouvert sa plateforme en ligne de pétition citoyenne. Cette plateforme a vu le jour le 1er octobre 2020. Cet outil est le fruit de la réforme du règlement de 2019 qui a permis une rénovation de l’exercice du droit de pétition au sein de cette institution tout en rendant l’exercice de ce droit plus accessible pour les citoyens en leur offrant la possibilité de transmettre leurs pétitions par voie électronique.

Pour être recevables, les pétitions devront être rédigées en langue française, signées par des personnes majeures de nationalité française ou résidant de manière permanente en France. Ce dispositif permet une garantie relative à l’authentification des signataires et une réelle protection des données personnelles. La plateforme d’authentification est FranceConnect, un dispositif généré par la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (DINSIC). Ce dispositif est alimenté par des fournisseurs d’identités publiques et privées qui couvre l’essentiel de la population à savoir : impôts.gouv.fr, ameli.fr et La poste.

L’article 69 de la Constitution prévoit une saisine du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE).  Les conditions de mise en œuvre du droit de pétition à l’encontre du CESE sont précisées à l’article 4-1 de l’ordonnance n°58-1360 du 29 décembre 1958. Cette ordonnance fixe à 500 000 signatures le seuil de recevabilité des pétitions. En cas de recevabilité d’une pétition par le CESE, ce dernier devra rendre un avis dans un délai d’un an. Cet avis devra être communiqué au gouvernement et au Parlement.

Par ailleurs, le droit de pétition peut être exercé pour saisir les collectivités territoriales sur le fondement de l’article 72-1 de la Constitution qui prévoit que : « la loi fixe les conditions dans lesquelles les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l'exercice du droit de pétition, demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité d'une question relevant de sa compétence ». La collectivité territoriale saisie par voie de pétition reste maître du traitement à donner à la pétition dont elle a été saisie.

Au niveau sénatorial, le droit de pétition peut concerner une demande de création de mission de contrôle sénatoriale portant sur l’évaluation d’une politique publique, d’une loi votée depuis plus d’un an ou portant sur l’action du gouvernement. Tout comme l’Assemblée nationale, le Sénat use du système d’identification FranceConnect afin de garantir une meilleure protection des données personnelles des citoyens afin de crédibiliser sa plateforme de pétition en ligne e-pétitions. Le visiteur de la plateforme peut consulter les dispositions relatives à sa protection : délais de conservation des données, modification, suppression des données personnelles.

La procédure de mise en œuvre du droit de pétition au niveau européen.

Avec le traité de Maastricht, l’Union européenne donne à tout citoyen de l’Union ainsi que toute personne physique ou morale résidant sur le territoire d’un État membre la possibilité de s’adresser au Parlement européen à propos d’une question relevant de son domaine de compétence via une requête, plainte ou une pétition. A l’image de l’exercice du droit de pétition au niveau interne, ce droit de pétition peut être effectué individuellement ou en association. L’examen de la recevabilité des pétitions est effectué par la Commission des pétitions du Parlement européen.

Les conditions de recevabilité du droit de pétition par le Parlement européen.

L’article 227 du TFUE précise les conditions de recevabilités du droit de pétition :

  • Les pétitions déposées doivent porter sur des sujets relevant de la compétence de l’Union Européenne et concernant directement leurs auteurs.
  • Ce droit peut être exercé individuellement ou collectivement.

La procédure applicable au traitement des pétitions est fixée aux articles 226 à 230 du règlement intérieur du Parlement et la Commission des pétitions trouve sa compétence à l’annexe VI (XX) de ce même règlement. Précisons que la recevabilité des pétitions repose sur des critères formels et matériels.

Les critères formels de recevabilité d’une pétition.

  • Les pétitions doivent être rédigées dans une des langues officielles de l’Union européenne. Elles doivent posséder le nom, la nationalité et le domicile de chacun des optionnaires.
  • L’envoi peut se faire par courrier postal ou par voie électronique en se rendant sur le portail des pétitions du site du Parlement européen.

Cette démarche doit respecter un principe de transparence. Le fait d’adresser des pétitions au Parlement européen font de ces décisions des documents publics dont les résumés ainsi que tous documents utiles sont publiés dans toutes les langues officielles de l’Union européenne et sur le portail des pétitions dès lors que la Commission prononce la recevabilité d’une pétition. La Commission des pétitions informe le pétitionnaire de toutes ses décisions (et ses motivations) à propos de la pétition déposée.

Les critères matériels de recevabilité d’une pétition.

Le sujet de la pétition doit relever d’un domaine d’activité de l’Union européenne. La vérification du sujet de la pétition est effectuée par la Commission des pétitions. Si le sujet ne concerne pas un domaine d’activité de l’Union, la pétition est déclarée irrecevable et les initiateurs en seront informés via une décision motivée. Toutefois, il serait opportun de préciser que l’irrecevabilité peut résulter d’une méprise des possibilités d’introduire une action en recours ou encore d’une confusion dans les compétences des institutions nationales et européennes ou encore entre les fonctions des organismes internationaux et les institutions européennes.

La recevabilité et donc l’examen d’une pétition peut donner suite à plusieurs actions :

  • La demande d’une enquête préliminaire sur l’objet de la demande à la commission et la demande de précisions sur le respect du droit de l’Union applicable en la matière.
  • La transmission à d’autres commissions du Parlement européen de la pétition pour information ou pour donner suite à ladite pétition.
  • L‘intervention de la Commission des pétitions via la représentation permanente de l'État membre concerné ou la prise de contact de la Commission des pétitions avec les institutions ou les autorités compétentes dans le cas où la pétition concernerait un cas spécifique nécessitant une action ciblée.
  • La Commission des pétitions pourra apporter une réponse positive à la pétition ou mettre en place des mesures tendant à régler la question qui lui a été soumise.

Dans l’hypothèse où la commission des pétitions décide d’inscrire des pétitions à l’ordre du jour de ces réunions, le pétitionnaire, la Commission et les représentants des États membres seront donc invités. La Commission exposera son point de vue de manière orale et commentera la réponse écrite fournie aux questions soulevées par la pétition après une présentation de ladite pétition par le pétitionnaire. D’autres mesures pourront ainsi être adoptées après échange des points de vue des membres de la Commission des pétitions. Une visite d’information dans le pays ou la région concernés, une audition ou un atelier peuvent être décidés par la Commission. Cette démarche peut être suivie par la rédaction d’un rapport de mission contenant des observations, des recommandations qui sera soumis au Parlement européen lors d’une séance plénière. Lorsqu’une pétition concerne une question d’intérêt général au sujet d’une application ou d’une transposition incorrecte de la législation de l’Union, il est possible pour la Commission d’intervenir vis-à-vis de l’État membre en engageant une procédure d’infraction. Dans les hypothèses où le pétitionnaire ne respecte pas le délai de réponse, si aucune action ne peut être entreprise au sujet de la pétition, lorsqu’une pétition est retirée par le pétitionnaire la Commission des pétitions a la possibilité de clore une pétition.

Les conséquences de la dématérialisation de l’exercice du droit de pétition.

Internet a fortement impacté l’exercice du droit de pétition. Ainsi, la pétition en ligne serait une manière de s’engager sans bouger de chez soi pour soutenir une cause. Un des avantages de la pétition en ligne reste la fiabilité de la procédure en ce qui concerne le recueil des signatures mais aussi le côté gratuit et simple qui encourage les signataires à suivre cette procédure, mais aussi la rapidité et la multiplicité des canaux de diffusion.  Signer une pétition en ligne permet ainsi de recueillir plusieurs signatures en peu de temps. La pétition numérique permet d’élargir le champ d’action et d’atteindre un plus grand nombre de signataires. Cela peut encourager les « coup de pression » pour attirer l’attention des autorités politiques sur certaines problématiques. Par exemple, en 2015, François Hollande avait lui-même répondu à l’auteur d’une pétition en ligne qui avait demandé « la création d’un mémorial pour les personnes handicapées victimes du régime nazi et de Vichy ». Avec l’évolution du numérique, on constate un développement des plateformes de pétitions citoyennes comme change.org et on remarque de plus en plus le besoin de la population de s’exprimer sur des questions sensibles. Nelly Buffon, fondatrice d’Enviedécrire (agence de conseil littéraire) avait lancé une pétition en mars 2017 pour remplacer l’expression « nègre littéraire » par « prête-plume » et la pétition avait récolté plus de 20 000 signatures.

Toutefois, la pétition en ligne présente également des inconvénients. La pétition en ligne a causé la diminution du lien militant mais aussi l’accès à certains signataires. Il faut reconnaître que malgré le développement d’internet, ce dernier s’avère difficile d’accès pour certaines catégories de citoyens, notamment les personnes en situation de précarité, les SDF ou encore les personnes âgées. En outre, les supports numériques n’étant pas exempts d’irrégularités, il se pose également le problème du piratage ainsi que celui des fausses signatures, d’où une éventuelle remise en cause de la fiabilité des pétitions en ligne. L’outil qu’est la pétition permet de mieux exercer la démocratie dans sa forme « directe » bien qu’elle n’exclut pas l’utilisation par des acteurs mal intentionnés. Alors, signer ou relayer une pétition nécessite d’exercer un esprit critique car internet offre de vastes moyens de manipulation. Voilà pourquoi les grands acteurs lancés dans l’activisme online comme change.org et mesopinions.com n’hésitent pas à valider au préalable le texte de la pétition.

Les questions à se poser sur la crédibilité d’une pétition : l’authenticité d’une quelconque pétition s’évalue notamment en identifiant son auteur. Dès lors que l'auteur donne son véritable nom, il est utile de rechercher son profil LinkedIn et d’inspecter le parcours affiché, de chercher son compte twitter et d’évaluer sa notoriété ou de remonter le fil de ses tweets. Certaines pétitions disposent également de soutiens formellement identifiés, par exemple des personnalités ou des ONG. Une recherche sur le site de ces personnes physiques ou morales, de leurs interventions sur les réseaux sociaux, permet de vérifier si ce parrainage est avéré ou fictif. Il s’agit ensuite d’analyser le contenu de la pétition et de vérifier si elle contient des mensonges ou toute autre forme de désinformation.  Il n’est pas aussi rare de voir apparaître des milliers de signataires dès le lancement d’une pétition. Cette masse de pétitionnaires, qui peut en effet donner de la légitimité à un texte, ne dispense pas de procéder à quelques vérifications. Un test réalisé en mars 2016 sur la pétition demandant le retrait de la loi « El-Khomri » sur change.org le montre bien. A l'époque, des journalistes de France 2 ont signé à vingt reprises en donnant de fausses adresses e-mail et des noms d'emprunts. Dans ces conditions on pourrait alors se demander si ce mode de signature de pétition va perdurer car comme on peut le voir, elle n’est pas forcément fiable.

Auteurs : AGBODO Afi Merveille ; M’BERI Franchelia ; MVONE ALLOGO André Cédric ; TOURE Yalikhan Josette.

BIBLIOGRAPHIE.

Normes juridiques et jurisprudences.

Droit national.

  • Articles 45 et 69 de la Constitution de 1958
  • Article 4 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
  • Article 4-1 de l’ordonnance n°58-1360 du 29 décembre 1958.
  • Articles 147 à 151 du Règlement de l'Assemblée nationale.

Droit supranational.

  • Articles 20, 24 et 227 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).
  • Article 44 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
  • Articles 226 à 230 du règlement intérieur du Parlement, ainsi qu’à son annexe VI (XX).

Institutions officielles.

  • ASSEMBLEE NATIONALE, « Le droit de pétition » [en ligne] https://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/petitions.asp#droit.
  • ASSEMBLEE NATIONALE, « Le droit de pétition aujourd’hui » [en ligne] https://www2.assemblee-nationale.fr/static/reforme-an/democratie/Petition_et_referendum.pdf.
  • ASSEMBLEE NATIONALE, « Plateforme en ligne des pétitions citoyennes » [en ligne] https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/actualites-accueil-hub/plateforme-en-ligne-des-petitions-citoyennes.
  • FRANCE CONNECT, « FranceConnect simplifie les démarches de 21 368 242 personnes », [en ligne] https://franceconnect.gouv.fr/?redirect_url=%2Fcreate_initiative%2Fprevious_form%3Ftype_id%3D2.
  • PARLEMENT EUROPEEN, « Le droit de pétition, Fiche thématique sur l’Union européenne [en ligne] https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/148/le-droit-de-petition.
  • SENAT, « Pétitions. Conditions générales d'utilisation » [en ligne] https://petitions.senat.fr/pages/terms-and-conditions?format=html&locale=fr.
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