Source : https://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/que-faire/faire-face-au-cyberharcelement/

Source : https://www.nonauharcelement.education.gouv.fr/que-faire/faire-face-au-cyberharcelement/

Après la mort de la jeune Alisha assassinée par ses camarades de classe, le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a déclaré que « le cyber-harcèlement doit être sanctionné plus sévèrement ». Le harcèlement est une forme de violence répétée qui peut être verbale, physique ou psychologique. Parmi les différentes formes du harcèlement on trouve le cyber-harcèlement qui se manifeste par des moyens technologiques du numérique. La personne peut y être confrontée par le biais des réseaux sociaux, une messagerie et lors des sessions de jeux en ligne. Lorsque ces comportements sont répétés et que l’objectif de la personne responsable du harcèlement est de susciter de la peur, de l’humiliation ou de la honte, la piste du harcèlement serait confirmée.

Avant cette révolution technologique, le harcèlement existait déjà et est visible plus particulièrement sous deux formes : il peut être physique ou verbal. Avec la généralisation de l’internet, qui est devenu accessible à toutes les personnes de différents âges, il a été créé une nouvelle forme de harcèlement qui est le cyber-harcèlement. L’un des premiers à évoquer ce phénomène est le professeur canadien Bill Besley en 2003. Il relève que « la cyber intimidation est l’utilisation des technologies de l’information et de la communication pour adopter délibérément, répétitivement et de manière agressive un comportement à l’égard des individus ou d’un groupe avec l’intention de provoquer des dommages à autrui ». Ce phénomène de cyber-harcèlement est a été qualifié comme « le mal sans visage » de l’internet.

L’émergence du harcèlement numérique.

Une enquête faite par l’entreprise de sécurité informatique Panda Security a montré qu’un cas d’intimidation scolaire sur quatre prenait la forme d’un harcèlement en ligne. En France, c’est près d’un parent sur dix qui confirme que son enfant a subi au moins une forme de cyber-harcèlement en 2018. Ce fléau de cyber-harcèlement touche environ 13% des français de 6 à 18 ans, soit près d’un million d’élèves chaque année. En France 54% des mineurs affirment avoir été victimes de moqueries en ligne et 42% ont déjà été harcelés moralement sur Instagram, soit plus que sur Facebook (37%), Snapchat(31%), WhatsApp (12%) et Twitter (2%). En 2020, Ipsos avait réalisé une enquête internationale auprès d’adultes de 28 pays. Cette enquête a révélé la croissance du nombre de parents qui ont des enfants victimes du cyber-harcèlement. Près de 21 000 entretiens ont été menés auprès d’adultes âgés de 18 à 64 ans aux États-Unis et au Canada, et d’adultes âgés de 16 à 64 ans dans tous les autres pays. Plusieurs adolescents ont été obligés de recourir au suicide pour mettre fin à leur calvaire.

En 2013, la France a été secouée par le cas de Marion Fraisse. Cette adolescente s’est suicidée après avoir indiqué dans une lettre qu’elle souffrait des moqueries de ses camarades, notamment sur Facebook. En 2015 la jeune Émilie Monk s’est jetée du balcon de sa chambre suite à des harcèlements subis au lycée. Le 8 mars 2021, une jeune collégienne du lycée professionnel privé Cognacq-Jay a été tuée par ses camarades de classe. Ils l’ont jetée dans la Seine après l’avoir frappée. Avant cela, une photo dénudée de la victime avait été publiée sur Snapchat par le jeune garçon impliqué en réaction au fait que le lycée l’avait renvoyé provisoirement. Pour contrer ce fléau, l’État français compte plusieurs dispositions juridiques dans le Code pénal.

Une politique publique et un cadre juridique pour endiguer le phénomène de cyber-harcèlement.

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 prévoit que « la libre communication des pensées et des opinions est des droits les plus précieux de l’Homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». Le principe de responsabilité est ainsi posé : chacun doit répondre de ses éventuelles infractions. Le cyber-harcèlement est tant que tel n’est pas une infraction réprimée par la loi française. Le Code pénal français dispose de plusieurs articles pour lutter contre le harcèlement :

  • Le harcèlement moral est défini par l’article 222-22-2-2 du Code pénal français comme « le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale ».
  • Le harcèlement sexuel est défini par l’article 222-33 du même code, il prévoit « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».
  • L’article 227-23 du Code pénal prévoit que « la diffusion de contenu à caractère pornographique d’un mineur est passible de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende ». Les parents de l’auteur du cyber-harcèlement pourraient voir leur responsabilité engagée. Sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil, la victime peut agir contre eux à titre personnel, toutefois elle devra prouver qu’ils ont commis une faute ayant causé le dommage.

Le 8 juillet 2013, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République a été promulguée. En juillet 2012, une concertation avait été lancée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault pour aboutir à l’adoption de cette loi. Cette loi repose sur des objectifs dits essentiels : élever le niveau de connaissances, de compétences et de cultures de tous les enfants, réduire les inégalités sociales et territoriales, réduire le nombre des sorties sans qualification. Le gouvernement voulait des mesures opérantes et spécifiques ayant comme but une vraie refondation de l’école. Cette loi a créé des écoles supérieures du professorat et de l’éducation chargées d’assurer la formation initiale. Elle confie à l’école une nouvelle mission : la création d’un service public de l’enseignement numérique. Elle crée un Conseil national d’évaluation du système éducatif. Elle met en place des projets éducatifs territoriaux pour l’organisation des activités périscolaires prolongeant le service public de l’éducation.

En 2018, le gouvernement d’Édouard Philippe a fait voter un projet de loi pour renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Cette loi a été dénommée la loi Schiappa. En 2018, Marlène Schiappa était secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes et de la lutte contre les discriminations. Actuellement, elle est ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, chargée de la citoyenneté. Cette loi repose sur plusieurs points :

  • Elle porte à 30 ans après la majorité des victimes présumées le délai de prescription des crimes sexuels commis sur des mineurs et le délai de prescription court à partir de la majorité de la victime.
  • Elle renforce des dispositions du Code pénal pour réprimer les infractions sexuelles sur les mineurs.
  • Elle crée une infraction d’outrage sexiste, pour réprimer le harcèlement dit de rue. Cette infraction sera sanctionnée d’une amende pouvant aller jusqu’à 3000 euros en cas de récidive.
  • Elle élargit la définition du harcèlement en ligne afin de pouvoir réprimer les cas oú une personne est victime d’une attaque coordonnée de plusieurs internautes, même lorsque chacune des personnes n’a pas agi de façon répétée.

Dans une approche comparée, précisons que la Belgique prévoit dans son Code pénal une sanction du cyber-harcèlement. L’article 442bis du Code pénal belge dispose que « quiconque aura harcelé une personne, alors qu’il devait savoir qu’il affectait gravement la tranquillité de la personne visée, sera puni d’une peine d’emprisonnement de quinze jours à deux ans et d’une amende de cinquante euros à trois cents euros, ou l’une de ces peines seulement. ». Plusieurs approches ont été avancées pour pouvoir endiguer ce fléau.

Différentes approches pour trouver une solution réelle à ce problème social.

Les solutions voulues et préférées par les pouvoirs publics et les acteurs sociaux sont principalement éducatifs, de l’ordre de la prévention et du dialogue. Contrairement à une approche répressive du harcèlement qui s’avère préjudiciable à long terme, la prévention est l’instrument à privilégier car elle peut endiguer le problème en amont et prévenir ainsi tout dommage. Dans la majorité des cas, l’auteur du harcèlement est un proche de la victime qui ne rend pas toujours compte de la portée et de la gravité de ses actes. En France, la prévention vise à impliquer tous les acteurs de l’établissement scolaire dans la lutte contre le harcèlement. Il faut qu’il y ait une intervention dans les établissements scolaires, une sensibilisation des jeunes, des conseils aux parents et une formation des professionnels de l’éducation. Il s’agit de donner des conseils relevant du domaine de la santé et d’inviter à prendre part à la journée anti-harcèlement organisée par le ministère de l’Éducation nationale. Il est recommandé que les personnes victimes de cyber-harcèlement y témoignent de leur expérience. Il s’agit également de prévoir l’organisation de réunions pour pouvoir identifier les cyber crimes, contrôler les comportements et rappeler les sanctions du Code pénal.

En comparant le modèle français et le modèle anglo-saxon, on remarque plusieurs similitudes entre les deux approches. Au Royaume Uni, on ne se contente pas de lutter contre le harcèlement entre élèves ou personnes de même âge mais on dénonce aussi les agressions pouvant prendre pour cible les enseignants, les femmes, et les groupes LGBT. Les fascicules des établissements scolaires confirment que les formations sont destinées aussi bien aux enfants qu’aux personnes majeures.

Avec ces crimes récurrents et ces agressions, en plus de ces démarches prises par le ministère de l’Éducation nationale, l’exécutif et le pouvoir législatif français devraient se pencher sur la mise en place d’un arsenal juridique qui sera un plus efficace pour mettre un terme à ce fléau ou l’affaiblir. D’autant que dans le contexte de crise sanitaire que le monde connait actuellement, la violence dans toutes ses formes a augmenté de façon très préoccupante.

Auteurs : DIOP Bineta ; GANDANOU KOFFI Frédéric ; MOHAMED ELY Abdellahi ; RGUIG Hamza.

BIBLIOGRAPHIE. 

Normes juridiques et jurisprudence.

  • Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 Août 1789.
  • Articles 222-22-2-2, 222-33 et 227-23 du Code pénal français.
  • Articles 1382 et 1382 du Code civil français.
  • Loi n°2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
  • Loi n°2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.
  • Article 442bis du Code pénal belge.

Institutions officielles.

  • MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE - AGIR CONTRE LE HARCÈLEMENT À L’ÉCOLE, « Le cyber-harcèlement », 28 octobre 2011 [en ligne] http://www.ac- grenoble.fr/ecole/74/brassilly.poisy/IMG/pdf/le-cyberharcelement.pdf.
  • MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE, « La lutte contre le harcèlement et les violences en milieu scolaire », 2012 [en ligne] https://www.gouvernement.fr/action/la-lutte-contre-le-harcelement- et-les-violences-en-milieu-scolaire.

Ouvrages.

  • MATTATIA Fabrice, Internet et les réseaux sociaux : que dit la loi, éd. Eyrolles, 3e édition, 2015, 101 pages.

 

Articles de doctrine.

  • ALEV DILMAÇ Julie, MACILOTTI Giorgia, « Introduction », Déviance et Société, Vol. 43, 2019/3, p. 293-298 [en ligne] https://www-cairn-info.ezproxy.univ-perp.fr/revue-deviance-et-societe-2019-3-page-293.htm.

 

Articles de presse. 

  • BOISSAIS VALENTIN, « Mort d’Alisha : un piège tendu pour des raisons futiles », RTL, 11 mars 2021 [en ligne] https://www.google.com/amp/s/www.rtl.fr/actu/justice-faits-divers/les-infos-de-6h30-mort-d- alisha-un-piege-tendu-pour-des-raisons-futiles-7900007003/amp.
  • ESSALHI Wafaa « Vibrant hommage à Alisha harcelée et tuée par des camarades à 14 ans », ARTE, 14 mars 2021 [en ligne] https://www.arte.tv/fr/afp/actualites/vibrant-hommage-alisha-harcelee-et-tuee-par-des- camarades-14-ans.
  • LECOMTE Christian « Émilie, 14 ans, harcelée, humiliée, suicidée », Le Temps, 14 Mars 2017 [en ligne] https://www.letemps.ch/societe/emilie-14-ans-harcelee-humiliee-suicidee.

Webographie (autres sources).

  • COQUIS Christophe « Les chiffres clés du cyber-harcèlement », Geek Junior, 2020 [en ligne] https://www.google.com/amp/s/www.geekjunior.fr/infographie-chiffres-cles-cyberharcelement- 33731/amp/.
  • KADI « Faits et chiffres clés du cyber-harcèlement en 2020 », iProtego, 2020 [en ligne] https://www.google.com/amp/s/www.iprotego.com/faits-chiffres-cyberharcelement-2020/amp/.
  • LESAGE Nelly « Comment réagir si vous faites face à du cyber-harcèlement ? », Numérama, 21 Juillet 2017 [en ligne] https://www.google.com/amp/s/www.numerama.com/tech/278258-comment-reagir-si-vous- faites-face-a-du-cyberharcelement.html/amp.
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