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          « Nul n’est censé ignorer la loi » . Cet adage, qui est une fiction juridique traduite du latin nemo censetur ignorare legem, se révèle comme étant le fait que la loi, par sa prédominance sociétale, est connue de tous. Elle édicte des interdits, reconnaît des droits, impose des obligations. Sa force est indubitable. 

            Le droit français, par principe, s’applique à tous les individus, qui se doivent donc de le connaître. Évidemment, il est impossible d’avoir connaissance de chaque règle de droit. Et les professionnels de la justice viennent compenser ce manque de savoir. Le droit, par son impartialité, est censé être à l’origine d’un sentiment collectif de sécurité et de confiance. En ce sens, il est important de le rendre accessible ! Mais qu’est-ce que réellement l’accessibilité à la justice ? Et qu’est ce que, premièrement, la justice ? Au sens moral, il est plutôt question de respect du droit et d’équité. Elle est autochrome en ce qu’elle est donc la mise en forme, par une institution, de l’exercice du pouvoir judiciaire. Son sens matériel découlant ainsi de la volonté générale d’égalité de traitement. Ces deux notions réunies, la justice est alors celle qui rend des décisions législatives sur des questions de droit. De ce fait, la rendre accessible, c’est la mettre à disposition. Mais de qui ? Des professionnels ? Des citoyens ? Aujourd’hui, il est possible de considérer que cette question est au centre des préoccupations. 

Historiquement parlant, la théorie du contrat social énonce qu’il ne peut exister de civilisation sans droit. La justice en tant que telle, qui n’existe pas sans droit puisqu’elle est, il faut le rappeler, l’institution qui règle les litiges, voit pourtant son portrait se dresser plus tardivement. Elle peut se décliner à partir de trois phases : intellectuelle, physique puis numérique. Son accessibilité est progressive, en ce qu’elle ne l’était que pour les érudits, il y a de cela des siècles, puis s’est vu évoluer rapidement, au cœur de la connaissance générale, sans pour autant être nécessairement comprise. C’est beaucoup plus récemment qu’elle s’est numérisée, notamment dans un but de la rendre plus accessible. En effet, les sources autrefois utilisées par les chercheurs pour l’étude de pratiques économiques et sociales, ont été mises sur Internet par le biais d’un dispositif d’aide à l’accès au droit par une loi du 10 juillet 1991. C’est une première étape de la retranscription du droit en ligne : mouvement qui va s’amplifier à mesure qu’Internet se développe. Dans sa décision du 16 décembre 1999, le Conseil constitutionnel, par la création de son nouvel objectif de valeur constitutionnelle, relatif à l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi, offre un nouveau panorama. En effet, se développe de manière exponentielle la création du site de l’administration française en 2000, en corollaire avec Légifrance, totalement rénové en 2019 ainsi que l’édition électronique du Journal officiel. Le résultat est alors sans appel, Internet est la nouvelle chambre noire de la justice. 

Cette perspective d’évolution, qui pose un regard nouveau sur le rôle que doit jouer la justice et sur les répercussions que son accessibilité engendre, fait naître une confusion. Un doute relatif au paysage qui se dessine, entre l’application stricte de la loi, et la recherche d’un consensus au sein de l’opinion publique. 

En somme, il est alors question de s’intéresser à l’impact du développement d’Internet dans l’accès à la justice. 

De ce fait, une question subsiste. La finalité de la justice est-elle de satisfaire l’opinion publique non spécialisée, ou bien de se cantonner à être le reflet d’une application stricte du droit ?

            Répondre à cette question, c’est s’intéresser à la place grandissante d’Internet dans l'accessibilité à la justice (I), qui va opérer un changement radical : celui de la place de l’opinion publique qui peut davantage s’affirmer (II). 

LA PLACE GRANDISSANTE D'INTERNET DANS L'ACCÈS À LA JUSTICE

 

La justice est une planche sur laquelle tout n’est pas noir et blanc. Diverses couleurs peuvent se mélanger, d’autres ne jamais l’être… La palette de couleurs qui la compose est complexe à saisir, et c’est grâce à Internet qu’elle permet à tous d’avoir un visuel sur ce qu’il en est (A). Cette proposition est en réalité intéressante en ce que l’opinion publique, au fil du temps, avait besoin de se voir être confortée et rassurée (B). 
 

L'ouverture de la justice et du droit par Internet

 

Les ressources concernant le domaine du droit sont accessibles sous différentes formes. Classiquement, il est possible de consulter les codes qui contiennent des articles ou encore des jurisprudences. Toutefois, une idée de défiance se développe vis-à-vis de la manière de s’informer. Examiner des ressources papier représente des difficultés, en effet l’accès à l’information se trouve limité, s’il est rapporté à l’infinité des données disponibles sur Internet. La problématique n’est pas ici celle de la véracité de l’information, mais bien des conditions d’accessibilité pour que l’information soit accessible au plus grand nombre, dans des conditions les plus claires. Alors, il est nécessaire d’ouvrir le droit et la justice ainsi que d’en améliorer son accessibilité. Internet semble être la solution adéquate pour régler cette question. Il n’y a pas photo, exploiter les nouvelles technologies est grandement efficace : l’utilisateur parvient à l’information recherchée quasi instantanément. 

La loi s’impose à tous les citoyens, par conséquent, il est nécessaire que tout le monde puisse y avoir accès rapidement et simplement pour en avoir connaissance. Des sites sont accessibles librement. Légifrance répertorie les textes législatifs et des décisions de justice des cours suprêmes et d’appels de droit français. Ce site permet à tous les individus de se tenir informé. L’accessibilité ne cesse d’évoluer, le 21 avril 2022 l’ensemble des décisions civiles, sociales et commerciales rendues publiquement sont intégrés à l’open data à l’aide d’un moteur de recherche : Judilibre. Internet ne joue-t-il pas un rôle pédagogue ? Les explications concernant la justice et le droit, un plus grand nombre de personnes peuvent y avoir accès via des vidéos YouTube par exemple. Ceux qui choisissent de se lancer dans des développements concernant les sujets cités précédemment vont pouvoir librement s’exprimer, de manière plus ludique sans être obligatoirement spécialiste. Ces éléments peuvent laisser dubitatif quant à la qualité du droit, retranscrit sous différentes formes, sur le net. Initialement, les notions liées au droit et à la justice sont complexes, doivent être expliquées avec rigueur et précision. Même si la compréhension s’améliore, le côté sérieux est dans certains cas mis sur un autre plan, au profit d’une approche semblant plus pédagogique. 

Toutefois, il est possible de mettre en doute l’accessibilité totale des documents juridiques présents sur la toile. Au même titre que les écrits matérialisés, des sites imposent un système d’abonnement payant pour consulter le document dans son entièreté. Un réel contraste est alors créé, entre ceux qui ont la capacité de payer et ceux qui ne peuvent pas se le permettre. Malgré une évolution grandissante, les disparités sont bien présentes, est ce qu’Internet ne devrait-il pas se cantonner à retranscrire simplement la justice et l’état du droit tel qu’ils le sont déjà en format papier ?

Certains documents dématérialisés sont réservés à des professionnels, l’abonnement à des sites tels que Dalloz se distingue par leur coût très élevé. Il ne fait aucun doute qu’un tel prix est justifié par le fait que cette banque de données soit aussi d’outil de travail. Seulement tout le monde n’a pas la capacité de s’offrir cela. Ce qui laisse perplexe vis-à-vis de l’égalité d’accès au droit et à la justice, ces documents pouvant être un moyen d’éclairer les internautes. Encore une fois, le Web garantit un équilibre dans ce domaine, s’adaptant aux besoins de certains utilisateurs, notamment les étudiants en droit qui ont besoin de cette palette d’informations afin de mener à bien leurs années d’études. Ils vont alors bénéficier d’un accès gratuit à ces plateformes : l’accessibilité au droit et à la justice semble être destinée à un usage de formation, et professionnel. 

 Le droit et la justice sur Internet sont une révolution en termes d’accessibilité et ne cessent de s’améliorer. La demande est plus facilement et plus rapidement satisfaite ; même si des disparités persistent encore. L’objectif ne serait-il pas, par un accès facilité, de renforcer la confiance citoyenne envers le droit et la justice ? 

Internet une réponse au scepticisme de l’opinion publique 

           

            Le foisonnement des règles de droit peut être à l’origine d’une certaine appréhension de la justice et du droit par les citoyens. Comme l’affirmait Guy de Maupassant en 1883, dans son recueil intitulé  Contes de la bécasse , l’être humain n’a peur que de ce qu’il ne comprend pas, ne voit pas. Cette éventuelle méfiance envers la justice peut ainsi trouver son origine dans la complexification et la massification de la norme juridique. Mais aussi du simple fait de la difficulté de circulation de l’information. 

Ainsi, de nombreux actes du quotidien ont une dimension juridique sans que les individus n’en aient forcément conscience. Ces règles juridiques ont pour finalité d’harmoniser et d’encadrer la vie en société. En outre, le droit français a pour particularité de se présenter sous la forme d’une arborescence où se mêlent une multitude de règles de droit. En France, chaque individu est doté de la personnalité juridique à sa naissance, à condition qu’il soit né vivant et viable. Cette personnalité juridique confère aux êtres humains de nombreux droits fondamentaux et leur attribue le statut de véritable sujet de droit. 

            Néanmoins, une question se pose : celle de savoir si ces individus connaissent réellement leurs droits ? Les êtres humains sont-ils des sujets de droit ou des sujets du droit ? Quelles sont les relations qu’entretiennent les citoyens avec leurs droits ? À titre d’exemple, une enquête a été menée en 2019 par l’institut « Brulé, Ville et Associé » (BVA), constatant que sept français sur dix n’avaient jamais entendu parler de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Or, l’accessibilité à la justice et au droit, par le biais d’Internet en France, n’est-elle pas sujette à renforcer la connaissance et la confiance des citoyens ? C’est à cette question qu’a répondu le législateur en promulguant la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. 

            Cette loi a pour ambition de mettre en lumière la pédagogie dans la connaissance du droit et de la justice. Elle se traduit notamment par des procès filmés qui pourront être diffusés en ligne une fois l’affaire jugée. Cette accessibilité à la justice ne s’adresse pas qu’à la communauté des juristes. Elle permet dorénavant à tout justiciable d’accéder facilement à des décisions de justice et de visionner un procès sans se déplacer. Internet pourra ainsi devenir, en quelque sorte, un vecteur de sensibilisation et de mise en confiance de la justice et du droit. Toutefois, c’est le rôle du citoyen de s’informer et d’avoir l'œil. C’est à lui d’aller chercher réponse à ses questions, et de les comprendre. Car, bien que l’accessibilité soit facilitée, les décisions rendues ne sont pas plus développées. En ce sens, cette ouverture de la justice présuppose la nécessité pour chaque individu d’être a minima formé en droit. 

            Le législateur n’a visiblement pas pour ambition de faire des citoyens des juristes aguerris, mais bien de consolider, par l’accessibilité et la pédagogie, leur lien avec la justice. Toutefois, ces dispositifs, mis en place depuis 2021, ne peuvent être évaluables pour le moment. Le recul nécessaire afin de savoir quelles sont les réelles retombées n’est pas encore possible aujourd’hui. Il reste à savoir si cette volonté du législateur, de tendre vers plus de confiance de la part des individus, pourra renforcer les rapports entre la justice et les justiciables ou bien creuser encore plus l’écart. Car oui, l’opinion publique sévira et est inévitable, Internet étant le miroir de toutes les pensées. 

LA PRISE EN COMPTE DE L’OPINION PUBLIQUE : VERS UN DÉCLIN DE LA JUSTICE

 

Le développement d’Internet entraîne un élargissement du champ des possibles pour ses utilisateurs. Les internautes sont en mesure de s’exprimer librement, et de faire usage de ce nouvel outil technologique pour y manifester toute contestation éventuelle (A). Cependant, ces contestations ont-elles une portée significative ? La justice doit-elle garantir l’application stricte de la loi, ou bien doit-elle prendre en compte ces contestations, avec le risque de dénaturer le caractère objectif du droit et de la justice (B). 


Internet, un nouvel espace de contestation de la loi ? 

 

Internet apparaît comme un recueil de référencement, une source presque inépuisable d'informations diverses et variées sur un nombre de sujets exponentiel. Si la recherche et l'apprentissage y sont facilités, il n'en demeure pas moins qu'internet agît également comme une véritable opportunité de s'exprimer et d'émettre des avis et contestations dont la portée est relativement large. En effet, affirmée juridiquement à l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, la liberté d'expression est une liberté fondamentale qui doit s'appliquer dans tous les secteurs ou la prise de parole est possible. L'esprit contestataire consacré par la liberté d'expression est mis en lumière pour la première fois en 1994, lorsque Howard Rheingold, écrivain américain, qualifie Internet tel un espace public Habermassien. Cette appellation renvoie à une conception d'Internet s'inscrivant dans une éthique de discussion, d'un débat opposant des idées.

Il est vrai que le droit est par définition neutre et censé s'appliquer à tous les citoyens d'une même façon. C'est cette simplicité d'accès et cet aspect uniforme qui permet de fédérer, de régir les comportements entre individus par un ensemble de règles connues et appliquées par tous. Néanmoins, dans une société de plus en plus tendue vers l'individualisme, cette acceptation d'un droit homogène peut être contrariée. Sur Internet, il existe une individualisation des contenus, qui cloisonne chaque utilisateur dans une opinion propre à sens unique. La vague de contestation sur tout type de sujet est alors inévitable lorsqu'il existe une ouverture à la parole pour chacun sur les plateformes en ligne. S'il a toujours été possible de contester l'application du droit pour la défense dans le cadre d'un litige, l'opinion publique traduit sur Internet une contestation à regarder d'un bien plus grand angle. Il est, à ce jour, possible de revendiquer son scepticisme à l'égard d'une affaire ou de la ratification d'une loi à travers un blog, un site dédié ou même via les réseaux sociaux. Il peut être pertinent de constater une tendance aisée à la critique et à la remise en question par ces processus d'expressions en ligne, ce qui peut considérablement discréditer l'ampleur et l’universalité que doit avoir une règle de droit. Cette évolution de l'esprit contestataire chez les utilisateurs d'Internet est visible par des faits.

Depuis plusieurs années, des mouvements sociaux contestant des faits d'actualité ou des mesures prises ont démarré sur les réseaux sociaux ou du moins sur des plates-formes en ligne. Du célèbre slogan « justice pour Adama » jusqu'aux massifs mouvements de revendication des gilets jaunes, nombreux ont été les actes d'opposition au droit qui ont vu le jour sur Internet. Il n'a pas fallu attendre l'ouverture à l'exposition de son opinion sur Internet pour avoir des idées à l'encontre de la loi. Néanmoins Internet le facilite, il apparaît comme une passerelle entre l'émergence d'un doute quant à la loi chez un utilisateur ; et l'idée d'une opposition pouvant germer dans l’esprit d'un grand nombre de citoyens. Combien de personnes dont l'identité n'était pas nécessairement connue furent invitées sur des plateaux télé, ou dans des émissions radio en raison de propos anti-conformistes ou revendicateurs ?

Ce développement de la pensée à l'encontre de la loi est d'autant plus alimenté par des mécaniques propres à Internet. En effet, c'est notamment le cas de l'anonymat, la possibilité pour tous d'une parole plus libre sans risque de regard sur sa personne. Il ouvre la porte à une plus grande libération de la parole et une prise de position sur des idées plus affirmées qu'elles auraient pu l'être à l'oral. Internet est dès lors un formidable moyen d'expression pouvant être à l'origine d'une massification de pensées réfractaires au droit. Cela permet d'avoir un œil nouveau sur la société, mais il y a un risque de conséquences effectives.

Le soupçon d’un recul de l’application stricte du droit 

 

L’avènement d’Internet facilite l’accès à la connaissance, et par extension, au droit et à la justice. De ce fait, l’opinion publique est en mesure de se prononcer sur l’ensemble des sujets juridiques. Réagir en temps réel sur les réseaux sociaux est devenu une réelle habitude pour les internautes, de telle sorte que leurs avis ne se font attendre au moindre fait d’actualité. Pour partager leur adhésion ou encore leur opposition, aussi forte soit-elle, quant à une décision de justice rendue, Internet est devenu la place idéale pour quiconque qui souhaite s’exprimer. L’accessibilité grandissante accordée au droit et à la justice sur Internet est donc autant un vecteur de connaissance, qu’un instrument de contestation. 

            L’ampleur des mouvements de masse impulsés par les internautes est connue, raison pour laquelle plusieurs problématiques font surface. En premier lieu, comment expliquer ces mouvements de contestation de la justice rendue ? La population est-elle vouée à rester sceptique quant à la manière dont la justice est délivrée ? Ainsi, l’opinion publique reste évasive, floue ; il est question en réalité de saisir ses attentes envers la justice. Ces dernières évoluent, a fortiori depuis l’avènement d’Internet, qui permet toutes contestations qui relatent parfois des sentiments d’injustice. Par ce terme, il est possible de concevoir le fait qu’une divergence sur la justice rendue est perçue comme un sentiment d'injustice, comme si la justice se devait de jouer un rôle sur les sentiments de l’opinion publique. Ainsi, la question du but poursuivi par la justice se place sur le devant de la scène. La justice doit-elle assurer une conciliation de l’application stricte du droit, avec les préoccupations de l’opinion publique ? Alors, quelle valeur aura la justice rendue, si celle-ci ne se cantonne pas à la stricte application du droit ? Le risque d’insécurité juridique est ici marqué : si la justice s’écarte de la loi dans le but de tenir compte des préoccupations de l’opinion publique, elle est probablement en mesure d’être entachée d’une subjectivité. Cette même justice souhaitée par les internautes, qui est pourtant fondée sur une opinion qui semble de bonne foi, risque de se transformer en réaction émotionnelle à un fait. 

            La justice se doit pourtant, par principe, de se dégager de cette réactivité émotionnelle, pour ainsi assurer que le juste soit rendu, conformément au droit, et non pas à l’expression subjective des internautes. Quel rôle le juge doit-il jouer dans ce cadre ? Doit-il considérer le droit et l’expression du peuple comme deux conceptions opposées, s’apparantant au blanc d’un côté et du noir de l’autre ? Sa décision se doit de porter sur le camaïeu des gris, du moins, en apparence ! Il assure d’une part l’application effective du droit selon ses compétences qu’il tire en vertu de l’article 12 du code de procédure civile : le juge tranche le litige qui lui est soumis conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. D’autre part, il ne doit pas tenir compte, avec excès, de l’opinion publique qui s’exprime à plus grande échelle grâce à Internet, et à l’accès à la justice qui leur est ainsi conféré. Alors, si le juge doit se détacher de l’opinion du peuple pour appliquer parfaitement le droit, pourquoi lui avoir donné l’opportunité de s'exprimer ? Quel est l'intérêt de promouvoir l’accès au droit et à la justice sur Internet, si la décision de justice se doit de se séparer de toute considération personnelle ? 

            Le juge est alors garant de l’application effective du droit, ainsi que, indirectement, de la confiance que l’opinion publique lui accorde. Le développement d’Internet est donc à double tranchant. Cette innovation technologique se place alors en tant que plateforme servant de support pour garantir un accès à la connaissance et, par extension, à la justice, en proposant une photographie du droit tel qu’il est à un instant t. Cependant, cette facilité d’accès permet à tous de s’exprimer et donc d’émettre des contestations. La justice se voit marquée par une dualité : entre application stricte du droit, et souhait de ne pas contrarier une opinion publique, ne comprenant pas toujours le sens des décisions ni même des procédures. En clair, l’accès à la justice sur Internet, avec une approche aussi pédagogue que possible, se heurte à la complexité du droit qui, sous ses formulations déroutantes, peut parfois être décourageante pour quiconque n’y étant pas initié. Ainsi, un paradoxe ne résiderait-il pas au sein de cet accès à la justice qui grandit à mesure qu’Internet se développe, par rapport à l’opinion publique qui souffre d’un manque de confiance en ce système, dont elle ne perçoit pas toujours les enjeux. 


 

Auteurs : Yassine DHIFALLAH, Victor LACLEF, Arnaud LANCKBEEN, Pablo MARTINEZ, Andréa R. VENTURA

BIBLIOGRAPHIE :

 

Ouvrage 

 

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Articles

 

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Sites officiels

 

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DALLOZ, boutique, [en ligne] https://www.boutique-dalloz.fr/dalloz-fr-p.html

 

VIE PUBLIQUE, « Loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire », in Vie publique, [en ligne]

https://www.vie-publique.fr/loi/279445-loi-confiance-dans-linstitution-judiciaire-reforme-dupond-moretti

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